La Covid-19 a mis au défi la résilience des entreprises et industries françaises en mobilisant d’importants financements. En parallèle la volonté des particuliers de financer l’économie réelle s’est accentuée. Pour répondre à ce double besoin, l’état français a créé en octobre dernier le label France Relance. L’objectif est de répondre au besoin en fonds propres des PMEs et ETIs françaises, particulièrement affectées par la crise sanitaire. En plus d’orienter l’épargne des français vers ces placements, le label impose aux fonds de respecter un ensemble de critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance (ESG). Ce label est l’occasion de mettre en lumière l’intégration de l’ESG dans les opérations de financement des PME ou ETIs gérés par les fonds de capital investissement (ou encore Private Equity ou « PE).
Les nouvelles réglementations européennes viennent challenger les acteurs financiers sur la transparence dans les reportings. Les acteurs du Private Equity, non soumis aux obligations de reportings du marché jusqu’alors, vont se voir confrontés au problème de l’accessibilité de la donnée pour l’évaluation des indicateurs ESG.
L’adoption des critères ESG concerne tous les acteurs financiers, y compris ceux du Private Equity. On remarque que les sociétés de gestion gérantes (GPs) comme les investisseurs (LPs) ont montré un réel engouement autour de l’investissement responsable.
Cette quasi-unanimité pour l’intégration ESG montre bien à quel point la finance durable est devenue une nouvelle norme pour le Private Equity. Une triple motivation pour les GPs :
Parmi les actions concrètes de mise en place de stratégie ESG au sein des sociétés de gestion, la constitution d’une équipe dédiée est citée par 35% des sociétés de gestion interrogées (40% en France). Certaines sociétés de gestion ont des stratégies ESG plus avancées reposant sur la labellisation de leurs fonds. C’est le cas de la société de gestion Demeter dont 3 de ses fonds sont labellisés GreeFin.
Parmi les sociétés de gestion en Private Equity, 486 sur 1400 sont signataires des Principes pour l’Investissement Responsable (PRI). Crés en 2006, en adéquation avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) et parrainés par l’ONU, ces 6 principes fournissent aux investisseurs un cadre de travail pour rapprocher l’extra-financier du financier. Les PRI mettent à disposition des signataires des lignes directrices pour les aider dans le développement d’une stratégie ESG ainsi que des modèles de rapports (reportings ESG à destination des investisseurs institutionnels, questionnaires d’évaluation ESG de participations). Etre signataire des PRI représente pour une société de gestion à la fois un moyen de structurer sa démarche ESG mais aussi de formaliser et communiquer cette démarche auprès de ses partenaires et prospects.
A noter : aucun organisme n’est responsable de vérifier le plan d’actions mis en place par les sociétés de gestion pour honorer leurs engagements suite à leur signature des PRI ce qui peut remettre en cause l’alignement réel des actions avec les objectifs et la stratégie ISR du GP.
Initiée en 2015 par cinq sociétés de gestion françaises, cette initiative est le résultat d’une prise de conscience sur la nécessité d’agir pour contribuer aux objectifs de la COP21 sur la limitation du réchauffement climatique. Grâce à l’engagement actionnarial, les GPs disposent d’un pouvoir de vote qu’ils peuvent exercer lors d’assemblés générales de leurs sociétés en portefeuille. Ils peuvent ainsi participer à certaines décisions stratégiques comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre par exemple. Cette initiative a été ralliée par de nombreuses sociétés de gestion françaises, devenant un groupe de travail de la commission France Invest. Cette mobilisation de sociétés de gestion sur la thématique climatique a ensuite été reproduite dans différents pays d’Europe, formant ensemble l’Initiative Climat International (ICI).
Cette initiative française à l’origine d’un mouvement européen est un excellent exemple du dynamisme de la place parisienne sur une des thématiques de l’ESG. D’autres mouvements existent également comme par exemple la Charte Parité homme/femme, initiée par l’association du capital investissement français France Invest. C’est d’ailleurs cette dernière qui a œuvré pour la construction d’un premier cadre fondateur pour la Finance Durable et le Private Equity.
L’association a publié en 2017 une liste de recommandations et d’indicateurs ESG spécifiques au PE pour encourager la construction d’une politique responsable d’investissement. L’objectif est de créer un socle commun d’indicateurs pour faciliter la communication entre GPs et LPs.
L’implémentation d’une stratégie ESG pour un GP passe par l’évaluation de ses participations pour laquelle il faut :
Parmi les outils fournis, des questionnaires ESG permettent aux GPs d’intégrer l’ESG aux trois phases de l’investissement :
Ce premier cadre de travail a été réalisé en amont des règlementations et est aujourd’hui amené à évoluer.
Les parties prenantes attendent plus de précision de la Commission Européenne concernant la Taxonomie et la règlementation SFDR (Disclosure) dont la mise en application est prévue pour 2021. Celles-ci vont permettre une classification précise des produits verts et une obligation de transparence dans les reportings.Ces règlementations européennes vont contraindre tous les acteurs financiers à passer à l’action pour obtenir des résultats concrets, mesurables et transparents. Ainsi, les GPs vont devoir redoubler d’effort rapidement pour fournir dès le deuxième semestre de 2021 un reporting extra-financier conforme aux nouvelles réglementations.
Les acteurs du PE rencontrent certaines spécificités qui compliquent l’intégration des critères ESG dans les décisions d’investissement et donc dans les reportings également. Pour rappel, cette classe d’actifs comprend toutes les sociétés non-cotées de la jeune start-up à l’ETI internationale. Ainsi, en fonction de la stratégie du fonds (Venture, LBO, Growth etc.), le gérant est amené à investir dans des entreprises de tailles et de niveaux de maturité divers et aux moyens différents. Ces entreprises, contrairement aux cotées, n’ont ni l’obligation de rendre publique leurs informations financières ni extra-financières. Un travail supplémentaire est donc nécessaire pour aller collecter cette donnée auprès des différentes sociétés comprises dans un portefeuille de PE pour ensuite pouvoir l’exploiter.
Du fait de la difficulté d’accès à la donnée, les acteurs du PE privilégient les indicateurs sur les piliers du social et de la gouvernance plutôt que sur celui de l’environnement très populaire sur le marché coté. En effet, les GPs, qui sont en relation direct avec les sociétés en portefeuille peuvent avoir un meilleur aperçu de la gouvernance instaurée. A l’inverse, les indicateurs environnementaux paraissent plus complexes à calculer. Ils ne sont pas pour autant négligés, mais la méthodologie de calcul des indicateurs de ce pilier est coûteuse et difficile. Ces contraintes représentent des vrais freins pour tous les acteurs mais d’autant plus pour les acteurs du Private Equity. La société en portefeuille ne dispose pas nécessairement de ressources suffisantes pour accéder à l’information sur la durabilité de leur activité.
Par exemple calculer un indicateur de traitement des déchets nécessite de :
Ces étapes demandent donc un investissement dans la formation d’une ressource ou dans le recours à un prestataire extérieur, ce qui est » conséquent pour un petit acteur qui démarre son activité.
S’il est difficile pour les sociétés en portefeuille de fournir ces informations précises à leur GP, il en va de même pour ce dernier qui doit analyser puis communiquer ces informations aux LPs conformément aux nouvelles règlementations. Un déséquilibre se crée puisque celles-ci apportent des obligations de reporting aux GPs et non aux participations. Ainsi, si les participations ne sont pas capables de fournir toutes les données attendues, il semble difficile pour le GP de les intégrer dans les reportings règlementaires qui seront exigés en 2022.
De manière générale, le traitement de la donnée est une des principales problématiques de l’ESG aujourd’hui. De par la structure des sociétés d’un portefeuille en Private Equity, cette problématique est amplifiée pour cette classe d’actifs. Les réglementations Taxonomie et Disclosure ont pour objectif de diminuer le problème de qualité de la donnée (transparence de la méthodologie, source de donnée) en imposant un travail important aux acteurs financiers mais qui semble encore plus complexe pour les acteurs du Private Equity.
les LPs et les GPs ont montré une ambition commune de développer l’ESG au sein du Private Equity créant un réel dynamisme français. Cela a été rendu possible notamment grace à tous les travaux de France Invest et à des initiatives mondiales auxquels les GPs se sont rattachés pour les guider dans leur démarche. Ce premier cadre va être renforcé par la mise en application dès mars 2021 de Disclosure imposant ainsi des contraintes sur le reporting. Ce calendrier très ambitieux soulève beaucoup d’interrogations sur la réaction des GPs et les moyens qu’ils vont mettre en place afin d’être conformes aux réglementations. Les mois à venir sont donc à surveiller de très près et promettent une accélération des bonnes pratiques ESG dans cette classe d’actifs.
WeeFin accompagne les sociétés de gestion spécialisées dans le Private Equity dans la construction d’une stratégie ISR au niveau de l’entité et des fonds. Grâce à notre expertise et notre connaissance des bonnes pratiques du marché, nous proposons :