La définition d’un investissement durable est un élément important des réglementations liées à la finance durable. Il permet de différencier les émetteurs à même de participer à la transition vers une économie soutenable - en termes de ressources naturelles, de climat ou de biodiversité, mais aussi de développement et de droits humains. Cet exercice nécessite d’évaluer la contribution d’une activité économique à un objectif de durabilité d’une part, et de s’assurer que cette activité ne porte pas préjudice à d’autres dimensions environnementales et/ou sociales du développement durable d’autre part. Ce dernier enjeu se matérialise par l’introduction du principe du Do No Significant Harm (DNSH) dans le règlement SFDR et dans la Taxonomie européenne.
Le test du DNSH est fondé sur des concepts différents dans ces deux réglementations. Dans le cas de SFDR et des acteurs financiers, ce principe est basé sur les Principal Adverse Impacts (PAI), qui permettent de quantifier les incidences négatives d’une société sur l’environnement ou la société. Ainsi, les sociétés de gestion doivent justifier de la durabilité de leurs investissements par la prise en compte des PAI. Cela leur permet d’élaborer une définition d’investissement durable fiable et de prévenir le risque de greenwashing.
En juin 2023, WeeFin publiait le baromètre de la finance durable faisant état des lieux des pratiques ESG & impact des gestionnaires d’actifs, basé sur un panel de 50 fonds Article 8 et 9 au sens de SFDR.
Dans cette étude, nous avions observé que 36% des fonds labellisés ISR Article 9 utilisaient une définition d’investissement durable qui ne respectait pas les critères réglementaires. Ce chiffre tombait à 28% pour les fonds labellisés ISR Article 8 et possédant une poche d’investissement durable. Cette analyse mettait en évidence des disparités dans l’élaboration d’une définition d’investissement durable. Cependant, elle ne permettait pas d’identifier l’origine de ces manquements.
Ainsi, à l’occasion des nouvelles études menées en 2024, le cadre d’évaluation a été mis à jour pour isoler les facteurs responsables de l’élaboration de définitions d’investissement durables inadéquates. En particulier, trois critères ont été introduits pour évaluer la qualité de la méthodologie des définitions : la prise en compte des 14 PAI, la transparence des méthodologies de prise en compte et le reporting des incidences dans les annexes périodiques SFDR. Ces analyses ont été conduites sur un périmètre de revue élargi à 75 fonds, ce qui a permis d’obtenir des données d’autant plus représentatives.
Nous avons constaté les résultats suivants :
Ces constats sont révélateurs d’un manque d’appropriation des concepts introduits par SFDR par les acteurs de la Place financière. La définition d’investissement durable, en particulier, est critiquée pour ses contours flous, qui engendrent des difficultés dans l’analyse et la publication d’informations pertinentes.
Par ailleurs, la disponibilité de la donnée représente aujourd’hui un frein majeur dans la construction d’un test du DNSH robuste. Les données nécessaires au calcul des PAI demeurent peu reportées par les entreprises ; pour certains indicateurs, il est même impossible de réaliser des estimations suffisamment précises, faute de données comparables. Le principe du DNSH est de fait peu exploitable pour ces PAI, et il est difficile de contourner cet obstacle en conservant une définition d’investissement durable crédible. À titre d’exemple, nos analyses mettent en valeur la faible couverture de l’incidence du PAI 12 (“Écart de rémunération entre hommes et femmes non corrigé”). Pour un échantillon de 50 sociétés de gestion, une moyenne de 23% des entreprises bénéficiaires d’investissement ont communiqué leur écart de rémunération moyen.
Lorsque la donnée est disponible, il faut également être en mesure de la comprendre et de l’interpréter de manière appropriée. La meilleure pratique pour construire un test du DNSH robuste est de définir, pour chaque PAI, un seuil à ne pas dépasser. Au-delà de ces seuils, les émetteurs sont soit exclus de l’investissement - c’est la pratique du “pass or fail” - soit pénalisés dans leur score ESG. Cependant, déterminer un seuil adéquat est un exercice difficile pour les sociétés de gestion. En effet, puisque les valeurs brutes moyennes varient selon les secteurs, les géographies et les années, il est parfois complexe de fixer une valeur limite permettant de distinguer les “bonnes pratiques” des “mauvaises pratiques”. Pour les acteurs, il est donc indispensable de développer une expertise sur l’ensemble des activités économiques et de s’appuyer sur un modèle construit pour définir ces seuils.