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7 min

L’engagement actionnarial : pierre angulaire d’une finance plus durable ?

80% : c’est le pourcentage d’acteurs financiers qui promeuvent l’engagement comme élément de leur stratégie de durabilité, selon une étude réalisée en 2024 par WeeFin portant sur 50 acteurs financiers. Ainsi, cette stratégie de plus en plus commune chez les acteurs financiers, lorsqu’elle est accompagnée de bonnes pratiques actuellement non imposées par la réglementation, jouerait un rôle moteur dans la transition vers une finance plus durable.
Rédigé par
Louise PIETTE & Lyna MERRAR
Publié le
30/10/2024

WeeFin vous propose ainsi un décryptage de la réglementation actuelle et des bonnes pratiques à mettre en place. 

Pour illustrer notre analyse et partager leurs recommandations, nous avons eu la chance d’interroger François Humbert, Engagement Lead Manager chez Generali Asset management SGR et Livio Gentilucci, Head of Active Ownership chez Generali Asset Management SGR.

Une stratégie peu encadrée par la réglementation en Europe à ce jour

Si l’engagement actionnarial est largement plébiscité par les acteurs financiers, cette pratique n’est à ce jour pas encadrée par la réglementation européenne. C’est d’ailleurs l’un des axes d’évolution envisagés par la revue des annexes SFDR puisque dans les nouveaux templates des annexes précontractuelles, se posera dorénavant la question « Ce produit vise-t-il à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant des activités dans lesquelles le produit investit ? », en cas de réponse positive, il sera possible d’indiquer que cet objectif sera atteint grâce à l’engagement. L’intégration de l’engagement dans le cadre réglementaire européen pourrait être encore plus importante via la revue du niveau 1 de SFDR et la création de labels tels que les « fonds en transition » pour lesquels les pratiques de votes et de dialogue vont s’avérer centrales. Ce lien est d’ailleurs souligné par Livio Gentilucci, pour qui l’engagement est un outil important permettant d’évaluer pleinement la crédibilité des plans de transition des entreprises, tandis qu’aujourd’hui les fonds optent davantage pour une réallocation de leurs actifs afin de réduire leurs émissions de GES. En attendant la prise de décision par rapport à ces refontes et pour commencer à effectuer un état des lieux des pratiques de Place, le régulateur français, l’AMF, a déclaré que son action de supervision en 2024 porterait sur les politiques de votes et d’engagement actionnarial des sociétés de gestion. 

Nos voisins d’Outre-Manche, en avance sur cette pratique, ont d’ores et déjà publié, dès 2010, le tout premier « Stewardship Code », dont plus d’informations sont disponibles ci-dessous. Depuis, ce type de code a été publié par d’autres pays comme le Japon, ou la Suisse.

Finalement, ce sont les initiatives de place comme les PRI ou les labels qui font la part belle à l’engagement. Notamment le label ISR avec la mise en application de la 3ème version de son référentiel depuis début 2024. Celui-ci requiert aux fonds labellisés de respecter certaines pratiques, permettant d’assurer que l’engagement actionnarial ne soit pas un leurre  mais constitue réellement une partie intégrante de la stratégie de durabilité du fonds.

Un renforcement du cadre réglementaire en lien avec l’engagement actionnarial est-il nécessaire ?

Selon Responsible Investor, 57% des investisseurs se disent prêts à soutenir de nouvelles exigences sur la transparence des pratiques d’engagement. Si ces avis sont intelligibles, François Humbert de Generali Asset Management SGR souligne surtout la nécessité d’apporter avant tout de la clarté et non de la complexité, notamment à travers la promotion de définitions communes: Qu’est-ce qu’un engagement ? Un dialogue pour collecter des données constitue-t-il une action d’engagement ? Comment considère-t-on un engagement à impact ? Etc 

Dans l’attente de ces définitions, il est important d’être le plus transparent possible dans son rapport d’engagement actionnarial, en catégorisant notamment les types d’actions réalisées et leurs objectifs : par exemple, les engagements réalisés avaient-ils pour but de récolter de l’information ou d’influencer une entreprise ?

Les bonnes pratiques à mettre en place pour faire de l’engagement actionnarial un levier d’impact

En l’absence de cadre et de supervision de la part du régulateur, l'engagement actionnarial peut s’apparenter à une pratique de greenwashing plutôt qu’à une stratégie d’impact. Il est donc primordial de suivre des recommandations mises en avant par diverses initiatives et ONG (e.g., label ISR, Reclaim Finance, PRI). Voici des exemples de bonnes pratiques à suivre : 

  • Définir les thématiques ESG d’engagement sur lesquelles la SGP souhaite se concentrer
  • Mettre en place un comité dédié pour suivre et arbitrer les décisions à prendre 
  • Distinguer les actions d’engagement à disposition (email, lettre, rendez-vous, appels, lettres publics, contact avec les ONG, vote etc.) 
  • Définir les liens entre les actions d’engagement et les autres stratégies de durabilité (controverses, score ESG, exclusion, etc.)
  • Définir les situations conduisant à la mise en place d’une action d’engagement (e.g., score de controverse élevé, méthode de prise en compte des PAI, etc.)
  • Définir un processus d’escalade (e.g., dialogue renforcé, lettres publiques, vote contre xx, impact sur la note ESG, désinvestissement)
  • Définir des objectifs précis, réalistes et quantifiables avec les entreprises sujettes aux actions d’engagement
  • Mettre en place un outil de suivi des actions d’engagement avec les informations pertinentes (e.g., thématique, personnes concernées, méthode d’engagement, date, raison de l’engagement, état des lieux de l’engagement, actions d’escalade si nécessaire) 

En plus de ces pratiques à mettre en place et à promouvoir dans la politique d’engagement actionnarial, d’autres éléments doivent être pris en compte lorsque l’engagement actionnarial est utilisé dans sa stratégie comme outil d’influence . Comme mis en avant par Livio Gentilucci et François Humbert, pour générer un impact positif, il est nécessaire de : 

  • Disposer de ressources humaines qualifiées qui permettront d’apporter de la valeur à l’entreprise sur la thématique de l'objectif visé 
  • Détenir des qualités de négociateur afin de trouver des objectifs à la fois réalistes pour l’entreprise mais suffisamment ambitieux pour l’impact que la société de gestion souhaite avoir

François Humbert affirme par ailleurs qu’un lien entre l’action d’engagement et le résultat final existe. C’est pourquoi Generali Asset Management SGR  a mis en place le concept d’engagement “avec additionnalité”, mettant en avant les cas pour lesquels les entreprises engagées ont reconnu publiquement la valeur ajoutée de Generali Asset Management SGR dans la transition de certaines de leurs activités.

L'engagement collaboratif : un moyen de capitaliser sur l'ensemble des équipes d'analystes de la Place ?

Participer à des actions d’engagement actionnarial au côté d’autres acteurs financiers permet d’augmenter le levier d’influence, notamment pour les acteurs dont le poids dans le capital d’une entreprise est relativement faible. Cette collaboration permet également de partager les coûts en mutualisant les connaissances et l’expertise de plusieurs acteurs financiers. Néanmoins, pour garantir l’efficacité de cette action collaborative, il est primordial de définir des attentes communes avant de rencontrer l’entreprise ciblée. En effet, selon François Humbert : “L’engagement collaboratif, sans préparation en amont, peut finalement avoir l’effet inverse sur l’entreprise. Un manque d’organisation, une définition d’objectifs trop larges, trop nombreux ou irréalistes peuvent décourager les entreprises et considérablement amoindrir l’impact potentiel de l’engagement collaboratif.” 

La qualité plutôt que la quantité ?

L’objectif d’une action d’engagement diffère. Certaines actions ont par exemple pour but de promouvoir la transparence et d’autres veulent influencer le comportement d’une entreprise afin de la rendre plus durable. Ces dernières nécessitent un temps de préparation élevé, de la recherche, de l’expertise et la construction d’une relation avec l’entreprise concernée par cette action d’engagement.

Les ressources à disposition pouvant être parfois limitées, notamment pour les plus petits acteurs, il peut être recommandé de concentrer les efforts et moyens sur un nombre réduit d’actions d’engagements. Cette méthode permet finalement d’augmenter les chances de succès. Cela a notamment été le cas pour la société d’investissement Engine No. 1, qui bien qu’avec une détention de seulement 0.02% des parts de Exxonmobil's, a réussi à faire changer la composition des membres du board pour qui les sujets en lien avec le changement climatique étaient ignorés.

Focus UK

La première édition du UK Stewardship Code parue après la crise financière en 2010, suivie de sa deuxième version en 2019, constitue un élément essentiel de l'écosystème de l’investissement au Royaume-Uni.  

Les signataires volontaires du Code - Asset Managers, Asset Owners et Fournisseurs de Services - doivent appliquer divers principes promouvant une gestion responsable, active et engagée des investissements dans l'intérêt des bénéficiaires. 

Chaque année, ces signataires doivent expliquer l’application de ces principes et leur suivi dans un reporting. Si ce reporting annuel facilite la transparence et valorise la responsabilité des investisseurs, le poids de sa rédaction est décrié depuis sa seconde édition. Les signataires soulignent la charge significative des ressources nécessaires à sa publication

C’est ainsi qu'en juillet 2024, le Financial Reporting Council (FRC) annonce, dans un même temps, une future révision du Code accompagnée de changements intermédiaires (“interim changes”) pour faciliter son application jusqu’à lors. D’une part, ces premières modifications reflètent les préoccupations des parties prenantes réduisant le reporting pour les signataires existant. D’autre part, la probable révision du Code s’établissant au premier semestre de 2026, se concentre sur les objectifs, les principes, les process, le rôle des “proxy advisors” ainsi que la position du Code avec le reste du cadre d’engagement et plus généralement des autres exigences réglementaires. 

Ce dernier point concernant la position du Code dans le cadre réglementaire est essentiel. Largement adopté par les gestionnaires de fonds et par un bon nombre de propriétaires d'actifs, le Stewardship Code maintient une place de choix au UK qui se veut aujourd’hui questionnée à mesure que plusieurs réglementations voient le jour (TCFD, SDR, TPT, …). Une question fondamentale demeure alors sur l’interopérabilité des réglementations au Royaume-Uni

Une autre interrogation subsiste à mesure que les Codes prolifèrent à travers le monde s’établissant en faveur d’une plus grande implication des investisseurs dans la gouvernance d’entreprise ; à l’instar du Royaume-Uni, l’Europe est-elle sur le chemin d’une mise en œuvre d’un Stewardship Code ? 

Effectivement, dans son Opinion de Juillet 2024, document de recommandations à la Commission européenne sur l’évolution du cadre réglementaire de la finance durable, l’ESMA a appelé à l’introduction d’un Stewardship Code à l’échelle européenne. Quels sont les éléments en faveur de son implémentation ? 

→ Encourager la participation des actionnaires 

Envisager les investisseurs comme mécanisme central de responsabilité et comme fondamentaux à la rentabilité à long terme. 

→ Augmenter les ressources dédiées à l’engagement  

A titre d’exemple, au Royaume-Uni, à la suite de l’introduction de la seconde version du Stewardship Code, un sondage par le FRC a révélé que plus de la moitié des gestionnaires d’actifs répondant avaient augmenté leurs ressources et plus de 43% “de façon significative”. 

→ Orienter les investissements 

Les pratiques d’engagement exposées dans le reporting permettent de refléter les acteurs les plus impliqués et de transformer des stratégies d’investissement complexes et peu concrètes grâce à un storytelling plus accessible résonnant avec les considérations des parties prenantes et du public. 

→ Accroître ses pratiques responsables au-delà de la réglementation 

Par exemple, un des plus grands fonds de pension japonais, le Government Pension Investment Fund (GPIF), exige dorénavant que ses gestionnaires d'actifs soient signataires du Stewardship Code japonais. 

→ Positionner l’Europe comme place de choix pour l’engagement 

Le Royaume-Uni comme précurseur du Code, a fait de l’engagement, un pilier crucial de sa réputation. L’Europe, en conférant à l’engagement une position privilégiée, accroîtrait sa position de leader sur les sujets de durabilité.

Si malgré ces avantages, il est encore difficile de prouver l’impact matériel d’un Stewardship Code sur le comportement des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d’actifs, WeeFin réitère sa promotion en faveur d’une responsabilité plus accrue des investisseurs passant par l’introduction d’un Stewardship Code européen.

Engagement individuel ou collaboratif : besoin d’être outillé

Le module d’engagement de Weefin se positionne comme un outil indispensable pour les sociétés de gestion cherchant à placer l’engagement au cœur leur stratégie d'optimiser leur processus d’engagement actionnarial. Grâce à ses fonctionnalités axées sur la simplicité, les synergies et l’impact, il permet d’utiliser l’engagement actionnarial comme véritable outil d’influence.

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