Entre les conflits armés, les bombes climatiques, les acteurs de la fast fashion impliqués dans le travail forcé des Ouïghours, etc., les acteurs de la finance ne peuvent plus se permettre de faire l’impasse sur l’anticipation et le suivi des controverses dans leur stratégie d’investissement.
Une controverse renvoie à l'implication d'un émetteur public ou privé dans des incidents liés aux facteurs ESG. À l’image d’Orpea qui a dû faire face à la chute de 93% du cours de ses actions en 2022, l’émergence d’une polémique sur des sujets environnementaux, sociaux ou de gouvernance vient impacter directement la valeur d’une entreprise. Par ricochet, les investisseurs se retrouvent contraints dans le cas où ils détiennent des positions sur des actifs controversés : pour mitiger les risques réputationnels et financiers, les portefeuilles doivent souvent vendre leurs positions rapidement, et ce malgré de potentiels problèmes de liquidités.
Dans le cas de la controverse sur Orpea, la société de gestion Mirova a fait le choix de se désengager à perte des 4% de titres qu’elle détenait.
Aucune activité économique n’est épargnée par ce risque puisque de nombreux secteurs peuvent être sujets à des controverses, de façon plus ou moins grave ou fréquente selon l’activité : le textile, l’agro-alimentaire, l’immobilier, les services technologiques, etc.
Il est primordial pour les acteurs financiers de prendre en compte les controverses mais également d’être en mesure de les anticiper. Une gestion inadéquate des controverses peut impacter la matérialité financière d’un portefeuille et avoir un impact réputationnel important.
C’est pour ces raisons, mais aussi pour rester cohérents avec leurs engagements en matière de durabilité, que la plupart des sociétés de gestion mettent en place un processus de suivi des controverses.
Actuellement, aucune réglementation n’impose aux sociétés de gestion un cadre précis de prise en compte des controverses.
Que ce soit dans l’Article 29 LEC ou la réglementation SFDR, aucune exigence sur le sujet n’est, à ce jour, définie.
Seule l’AMF en fait mention, en recommandant, dans sa doctrine 2020-03, que les sociétés de gestion qui communiquent de façon centrale sur la prise en compte de critères extra-financiers se dotent de politiques de prévention et de vérification des controverses. Cela ne reste cependant qu’une recommandation et aucun détail n’est apporté.
À noter en revanche que les labels intègrent de plus en plus le traitement des controverses dans leurs critères :
À travers ce panorama nous pouvons constater que de plus en plus d’organismes recommandent la prise en compte des controverses. Cependant, à l’heure actuelle, aucun cadre ne détaille précisément ce qui doit être intégré dans un processus de gestion des controverses.
Dans le cadre du 2nd volet du baromètre de la finance durable (qui sera publié en janvier 2024), WeeFin a évalué le niveau de transparence et d’ambition des sociétés de gestion sur un échantillon de 75 fonds ESG. L’un des pans de cette analyse couvre la gestion des controverses. Ainsi, les résultats démontrent une véritable intérêt de la part des sociétés de gestion pour intégrer les controverses à leur processus d’investissement, toutefois, les pratiques ne sont pas encore suffisamment robustes :
Le meilleur moyen d’éviter d’investir dans des activités controversées reste encore de les anticiper.
En premier lieu, si la mise en place d’une méthodologie de scoring ESG ou le recours à une méthodologie propriétaire d’un fournisseur de données ESG généraliste, permet plus amplement la comparaison d’entreprises entre elles, l’agrégation de multiples indicateurs bruts en scores ESG conduit inévitablement à une perte d’information. De plus, la multiplicité des thématiques environnementales et sociales au sein d’un score rend difficile la lecture et la compréhension des changements de ce dernier par les investisseurs. La sélection des indicateurs les plus matériels pour chaque activité doit donc devenir un point clé de l’analyse ESG pour un investisseur.
La maîtrise des données granulaires permet donc d’anticiper des controverses en mettant le doigt sur des éléments alarmants : par exemple si le taux de turnover est élevé, si le taux de déchets dans la nature ne cesse d'augmenter, si il y a un nombre important d'accidents du travail, etc.
Enfin, l’anticipation des controverses peut se faire à travers l’engagement : en effet, un dialogue régulier avec les entreprises investies peut permettre d’anticiper un point sensible qui pourrait être controversé.
La veille est la première étape nécessaire à un quelconque processus de gestion des controverses. Cela nécessite que les acteurs s’appuient sur de nombreuses sources de données, la diversité des sources d’information étant la clé pour minimiser le risque d’angle mort.
Une fois les données collectées, les acteurs doivent les analyser et les comprendre afin de correctement juger de la probabilité d’apparition d’une controverse et de sa gravité. Comprendre la donnée signifie creuser la méthodologie des fournisseurs ou des sources afin d’obtenir les définitions, le détail des points de données et les informations de couverture (parmi d’autres informations). Cela permet ensuite de comparer les données entre elles et de les exploiter dans l’identification des controverses.
Pour l’identification et l’anticipation des controverses, les sociétés de gestion peuvent donc se baser sur de nombreuses sources, dont :
L’analyse des données et des controverses doit ensuite permettre d’aboutir à une classification. En fonction de la méthodologie des fournisseurs de données, cette classification peut se faire sur les thèmes de controverses, les niveaux de gravité, le risque d’exposition à des controverses, ou tout autre moyen de hiérarchisation qui sera jugé pertinent par la SGP.
Cette classification doit être intégrée dans la stratégie de la société de gestion qui décide de gérer en priorité les controverses d’un certain niveau de gravité ou sur un secteur spécifique.
Le processus d’escalade est l'enchaînement d’actions qui sont mises en place afin de réguler la controverse sélectionnée, d’encourager la société investie à y remédier, et de désinvestir si la situation ne s’améliore pas. Un processus d’escalade peut donc comprendre les étapes d’initiation du dialogue, de renforcement du dialogue, de mise sous surveillance, d’acte de gestion, et aller jusqu’à la sortie du portefeuille.
Toutes ces étapes doivent être planifiées et fixées selon une temporalité prédéfinie. De même que les améliorations ou progrès de l’émetteur doivent être quantifiés.
Ce processus d’escalade est souvent très lié à la politique d’engagement, en effet l’engagement actionnarial et le dialogue sont des outils précieux pour identifier et gérer les controverses.
La Financière Responsable met en place dans sa politique trois niveaux d’actions lors de la détection d’une controverse. L’entreprise peut être maintenue en portefeuille sans action supplémentaire si la controverse est jugée faible, elle peut être mise sous surveillance ou bien exclue du portefeuille si les informations sur la controverse démontrent sa gravité. La mise sous surveillance et l’exclusion du portefeuille sont bien définies par des durées allant de 3 à 6 mois qui cadrent la temporalité du processus.
La société de gestion peut utiliser les éléments de suivi des controverses pour définir des conditions à partir desquelles elle considère que la controverse ne présente plus de risque et que le processus d’escalade peut être interrompu.
La Société de gestion doit mettre en place des comités réguliers (bi-annuels, trimestriels) pour discuter des controverses prioritaires et décider des actions spécifiques à mettre en place.
Ces comités et les décisions prises doivent être sauvegardés pour assurer l’auditabilité du processus de gestion des controverses.
INOCAP Gestion a fait le choix de présenter en comité les controverses notées comme sévères ou très sévères par son fournisseur MSCI. De plus si une controverse est détectée via la recherche broker, ou d’autres sources d’information, c’est à l’analyste ESG de déterminer le niveau de sévérité de la controverse qui sera présentée en comité si elle est jugée sévère, très sévère ou si un doute persiste.
De plus, la société de gestion doit envisager les cas de conflits d’intérêts entre la société de gestion et les émetteurs faisant l’objet de controverses, et prévoir les actions à mettre en place si la situation était amenée à se présenter.
Pour faciliter la mise en place d’une politique de gestion des controverses, ainsi que son application, être bien outillé est la première étape pour les sociétés de gestion.
La plateforme ESG Connect se penche sur le problème en proposant un module dédié à 100% à la gestion des controverses. En partant de l’intégration des données de controverses, ce module a pour but d’accompagner les analystes et les gérants dans la classification, l’analyse et la prise de décision sur les controverses. Ainsi, ESG Connect vous permet d’anticiper et de gérer les controverses en appliquant l’ensemble des étapes mentionnées ci-dessus.
Vous pouvez retrouver une démonstration des fonctionnalités d'ESG Connect avec la vidéo ci-dessous.