À cette occasion, Sabrine Aouida, cofondatrice et Chief Impact Officer, s’est exprimée sur la thématique : Investissements ESG : Face aux évolutions constantes en matière de règlementations ESG, quelles stratégies pour déployer les investissements dans la transition environnementale et sociale ?
Voici ce qui a été évoqué :
En 2023, nous avons publié notre premier baromètre de la finance durable. À cette occasion, nous nous sommes intéressés au niveau d’ambition et de transparence des fonds ESG (i.e., fonds classés Article 8 et 9 au sens de SFDR), à l’échelle d’un panel représentatif de 50 sociétés de gestion européennes (mais principalement françaises). Nos travaux se sont basés sur une grille d’analyse développée en interne couvrant l’ensemble de la chaîne opérationnelle de l’ESG.
L’objectif de cet exercice, que nous voulons annuel, est d’adresser le risque de greenwashing auquel sont exposés les acteurs de la Place et d’y apporter des solutions à tout niveau : de l’expertise (en explicitant les concepts complexes, en mitigeant les zones grises soulevées par les flous réglementaires), à la compréhension des enjeux stratégiques, en passant par les processus et outils opérationnels à déployer, jusqu’au niveau de données à récupérer, etc.
Les résultats de cette analyse rejoignent les conclusions des contrôles SPOT menés par l’AMF, selon lesquelles aucune des SGP intégrée au panel du régulateur français n’est en conformité totale avec les attendus de SFDR dû à un manque de données pertinentes disponibles et/ou à un historique insuffisant.
Selon notre baromètre, la majorité des fonds du panel ont manqué de transparence, en particulier dans leurs reportings SFDR et d’ambition. Cela peut notamment s’expliquer par la complexité de cette réglementation qui a conduit les acteurs à dédier leurs ressources sur la mise en conformité avec les attentes du régulateur plutôt qu’au développement de stratégies ESG plus ambitieuses.
Ce baromètre met aussi en lumière les bonnes pratiques et, au travers d’analyses complémentaires que nous avons réalisées pour évaluer la progression des pratiques, nous avons pu constater qu’en moins de 6 mois, certains portefeuilles avaient rehaussé leurs ambitions ESG et appliqué des processus plus exigeants.
Par exemple, 10% des acteurs ont fait évoluer leur politique d’exclusion sur le charbon via des seuils plus stricts, renforçant ainsi la cohérence entre la stratégie de durabilité et les caractéristiques ESG promues.
Les résultats sont encourageants puisqu’ils démontrent que des améliorations peuvent être rapidement mises en place par les acteurs !
L’analyse menée par WeeFin a aussi permis de démontrer que les acteurs reportent correctement sur leurs processus de gestion et du suivi des controverses. En effet, ⅔ des fonds analysés ont construit une politique de gestion et de suivi des controverses complète et détaillée.
Les ONG, telles que Reclaim Finance ou Carbon Bombs, sont de plus en plus sonores sur les sujets climatiques et de financement des énergies fossiles. Elles ont attiré l’attention des épargnants sur le terrain de la finance durable, et ont de fait exposé les acteurs de la Place à un risque d'image et de controverses.
Aussi, il faut souligner que le “name and shame” n’est pas l’unique levier utilisé par les ONG qui proposent également des programmes d'accompagnement pour les acteurs financiers afin de les sensibiliser sur les bonnes pratiques en matière de politiques ESG. Reclaim Finance est ainsi régulièrement reçue par les institutions financières et les résultats sont concluants puisque ces échanges ont par exemple pu mener une grande banque française à améliorer sa politique de calcul d’alignement aux objectifs de l’Accord de Paris ou à une hausse du budget alloué aux équipes ESG d’une grande société de gestion française.
L’ESG n’est pas seulement une strate du cadre réglementaire, mais un réel atout auprès de clients qui requièrent davantage de durabilité dans la gestion de leur argent, comme le démontre le regain de collecte en 2024 pour les fonds ESG. Or, pour faire de l’ESG un véritable différenciateur, les acteurs doivent conduire des projets pour structurer l’utilisation des données ainsi que leurs processus ESG et ainsi réduire les coûts associés.
De plus, la réglementation va continuer d’évoluer, aucun cadre n’est encore pérenne à ce stade comme le prouvent les changements à venir sur SFDR ou le Label ISR.
Pour adresser les défis à venir, les pratiques des acteurs doivent également évoluer vers un usage de données à la fois plus granulaires et faciles d’interprétation. C’est notamment le cas pour l’intégration des problématiques en lien avec la biodiversité aux processus d’investissement qui étaient inexistantes dans les cadres de gestion il y a quelques années et deviennent pourtant centrales compte tenu des enjeux qu’elle englobe.