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8 min

La taxonomie européenne: un défi technique, un levier stratégique de la transition

Loi Omnibus, le recul de CSRD, SFDR 2.0, autant de réglementations qui dessinent le paysage de la finance durable et dont le futur semble aujourd’hui incertain. Bien qu’il y ait une volonté de simplification de cette réglementation, la taxonomie européenne reste un cadre structurant offrant aux acteurs l’opportunité d’entamer leur transition.
Publié le
27/2/2025

Retour sur le règlement Taxonomie européen : rappel du calendrier

Comme chaque fin d’année, l’ESMA, l’autorité européenne des marchés financiers, a publié ses priorités pour l’année 2025. Parmi elles, on retrouve l’application de la Taxonomie Européenne dont les exigences de reporting augmentent graduellement au fil des ans. Pour rappel, la Taxonomie est un système de classification qui permet de déterminer si une activité est durable d’un point de vue environnemental (cf décryptage). Le Règlement Taxonomie mis en place depuis 2022 intègre une obligation graduelle de reporting pour les sociétés financières et non financières : 

  • de plus de 500 employés 
  • qui ont un chiffre d’affaires de 40.000.000 euros (et/ou un total du bilan de 20.000.000).

Omnibus 

La proposition de loi Omnibus publiée le 26 février 2025 envisage une modification des seuils des entreprises concernées par le règlement Taxonomie. 

  • Les entreprises incluses dans le scope de CSDDD, soit de plus de 1000 employés et de plus de 450.000.000 euros de chiffres d’affaires, seront contraintes de réaliser leur reporting.
  • Les entreprises incluses dans le futur scope de CSRD soit celles de plus de 1000 employés, qui ont un chiffre d’affaires de plus de 50.000.000 euros et/ou un total du bilan de plus de 25.000.000 euros, pourront réaliser leur reporting de manière volontaire. Ces dernières devront néanmoins effectuer ce reporting si elles déclarent que leurs activités sont alignées ou partiellement alignées avec la taxonomie européenne.

Ces propositions ayant tout juste été communiquées, nous pouvons nous attendre à des publications prochaines de Q&A afin de clarifier ces seuils. 

Depuis 2024, en plus de reporter sur l’éligibilité et l’alignement de leurs activités sur les 2 objectifs climatiques (atténuation et adaptation), les sociétés financières sont contraintes de réaliser leur reporting d’éligibilité de leurs activités sur l’ensemble des 6 objectifs. À noter que ce reporting repose sur le calcul d’indicateurs clés de performance (ICP) tels que la part du chiffre d'affaires aligné ou la part des dépenses d’investissement ou d’exploitation aligné. 

Des incompréhensions soulevées grâce aux Q&A 

La taxonomie étant un exercice nouveau et complexe, les régulateurs tels que la Commission Européenne ou encore l’ESMA interviennent régulièrement par l’intermédiaire de Q&A et autres recommandations, pour appuyer et orienter les acteurs financiers durant son implémentation. Elles ont notamment récemment publiées deux rapports : 

  • Une FAQ publiée le 29 novembre, donnant des précisions supplémentaires sur par exemple les activités qui peuvent répondre à plusieurs objectifs et la méthode à adopter pour éviter un double comptage, ainsi que l’ajout du gaz et du nucléaire dans les activités éligibles à la taxonomie.  
  • Des recommandations de l’ESMA publiées le 24 octobre dernier, apportant des éclaircissements sur l’usage des templates des reportings des Indicateurs Clés de Performance, l’analyse de tous les objectifs de la taxonomie ainsi que sur la publication des informations qualitatives relatives à l’évaluation de la conformité aux critères techniques de sélection pour les entreprises non financières. 

En pratique : quel alignement sur les deux dernières années ?

Selon les données 2024 collectées par Bloomberg sur un échantillon représentatif de 2000 entreprises financières et non financières, une amélioration de l’alignement taxonomie peut être notée par rapport à l’exercice 2023, démontrant que les entreprises européennes sont sur la voie de la transition environnementale. Près de 10,4% des revenus de ces entreprises sont alignés à la taxonomie et la part des investissements alignés (Capex) s’élève à 13,8%. 

Les sociétés financières, quant à elles, ont des alignements beaucoup plus faibles. C’est à travers le reporting des banques et assureurs, effectués sur la base des ICP mentionnés dans cet acte délégué, que les faibles résultats d’alignement ont été relevés par l’AMF sur l’exercice 2024 : 

  • L’ICP des banques, le Green Asset Ratio, s’est révélé relativement faible sur l’exercice 2024, avec des mesures comprises entre 0% et 4%
  • L’ICP souscription des assureurs a également été témoin d’une tendance similaire avec des résultats compris entre 0% et 13%

Ainsi, les résultats d’alignement des entreprises financières restent relativement faibles, bien que le niveau des activités alignées à la taxonomie des entreprises non financières étant de 15,3% en 2023, comme illustré par le rapport de l’Autorité des marchés financiers, soit plus élevé que la moyenne européenne de 10,4% calculée par Bloomberg.

Difficulté du reporting : les raisons d’un alignement faible

Ces faibles taux d’alignements des entreprises financières peuvent s’expliquer par deux principales raisons : 

  • des difficultés rencontrées dans la compréhension des indicateurs recommandés ainsi que dans les méthodes d’application. Les assureurs ont ainsi fait part de leur incertitude méthodologique autour de la non prise en compte des entreprises non soumises à CSRD et qui de fait ne sont pas incluses dans le calcul des indicateurs alors qu’elles font partie intégrante de l’activité économique des assureurs. 
  • Des désaccords sur les indicateurs à utiliser. En effet, selon un rapport de l’AMF, les banques sont notamment les premières à remettre en cause le GAR comme un indicateur fiable permettant de témoigner de la qualité du verdissement des activités. Elles regrettent que les activités de transition ne soient pas prises en compte dans le reporting taxonomie au profit des activités déjà durables. 

Pour pallier ces difficultés, ces institutions financières ont pris l’initiative de développer de nouveaux indicateurs afin de clarifier leur performance environnementale, avec l’ajout par exemple de tableaux supplémentaires plus synthétiques et plus pédagogiques. 

Taxonomie: un outil efficace pour atteindre les objectifs net zéro

Au-delà d’une classification des activités économiques permettant la comparaison des actifs financiers, la taxonomie s’impose comme un outil robuste utilisable par les acteurs financiers pour définir et piloter leur stratégie net zéro, tout en limitant leur risque de greenwashing.

Analyser la crédibilité des plans de transition

Comme mis en avant par la Plateforme de la Commission Européenne dans un récent rapport, la taxonomie permet d’évaluer la crédibilité des plans de transition des entreprises investies, à travers plusieurs leviers, tels que : 

  • Analyser l’alignement du Capex à la taxonomie pour s’assurer que les entreprises déploient suffisamment de moyens financiers pour atteindre leurs objectifs
  • Vérifier si l’entreprise n’a pas de dépenses d’investissement pour le financement de nouveaux projets du secteur des énergies fossiles
  • Utiliser le niveau d’alignement de l’OPEX à la taxonomie afin d’évaluer les efforts de l’entreprise en termes de R&D.

Ces critères peuvent notamment être utilisés dans le cadre du label ISR, ce dernier exigeant l’évaluation des plans de transition des entreprises investies du portefeuille concerné.

Comparer ses fonds à des nouveaux benchmarks de transition

La Taxonomie est également employée dans la création de nouveaux produits financiers. Les Investing for Transition Benchmark (ITB) en sont un bon exemple. Il s’agit de benchmarks incluant uniquement des actifs alignés à la taxonomie, dont les dépenses d’investissement (Capex) comprennent à terme une ambition net zéro. Ils peuvent être utilisés comme une référence pour les fonds dont les stratégies de durabilité sont en lien avec la transition et ainsi appuyer les décisions d’investissements pour ces véhicules financiers.

Transitionner les investissements, mais également les prêts accordés / La transition au cœur des prêts accordés

Comme mis en avant dans ce rapport publié par la Plateforme Européenne, les établissements de crédit ont également commencé à intégrer la taxonomie dans leur processus d’octroi de prêts, pour identifier ceux les plus durables ou pouvant le devenir. Plusieurs méthodes ont déjà été employées, telles que : 

  • L’utilisation des critères techniques de sélection en tant que critères d’exclusion
  • La mise en place d’incitations basées sur l’alignement taxonomique, afin de soutenir et d'attirer les clients et les projets totalement ou partiellement alignés sur la taxonomie de l'UE, augmentant ainsi la valeur du GAR pour les banques

Quels liens avec la CSRD?

Pour rappel, la CSRD est une réglementation européenne qui renforce les obligations de reporting extra-financier des entreprises afin d’améliorer la transparence des informations ESG. Elle concerne les entreprises de plus de 500 employés ayant un bilan total des actifs de plus de 25 millions d’euros et/ou un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros. 

Omnibus 

La proposition de loi Omnibus envisage une modification des seuils de la CSRD. Elle concernerait alors les entreprises:

  • de plus de 1000 employés 
  • de plus de 25 millions d’euros et/ou un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros. 

Il est donc demandé pour les entreprises concernées d’ajouter dans le rapport CSRD, les ICP d'éligibilité et d’alignement requis par le règlement de la taxonomie. En plus de cette exigence, la section environnementale des ESRS demande l’existence d’un plan de transition qui doit inclure un objectif de chiffre d’affaires aligné à la taxonomie.

Un règlement en pleine évolution: What’s next ?

De nouvelles activités éligibles à la taxonomie en perspective

Pendant toute la durée du mandat de la plateforme, la Commission Européenne avait lancé plusieurs consultations pour inviter les parties prenantes à proposer des modifications. La dernière consultation en date portait sur l’ajout de nouvelles activités et la mise à jour des critères techniques de sélection. Grâce à près de 650 réponses, 102 nouvelles activités ont été mentionnées pour faire leur entrée dans la taxonomie. 

Une simplification des exigences avec Omnibus

Omnibus

La proposition de loi Omnibus envisage en priorité une modification des seuils comme mentionné plus haut. De plus, certains Indicateurs Clés de Performance sont également affectés. 

  • La publication des ICP Chiffre d’affaires et Capex restent obligatoires
  • La publication de l’ICP OPEX devient volontaire. 

Enfin, les entreprises pourront désormais reporter sur leurs activités partiellement alignées afin d’intégrer également leurs efforts de transition. Il s’agit ici d’activités qui ne sont pas considérées comme durables au sens de la taxonomie mais qui répondent à certains critères techniques. 

A noter que la modification des actes délégués s’effectuera plus tardivement et fera l’objet d’une révision à part entière. 

En même temps que la proposition de loi Omnibus, la Commission Européenne a également lancé une consultation sur une proposition de loi simplifiant la taxonomie. Ce document propose:

  • L’introduction d’un seuil de matérialité de 10% (du chiffre d’affaires, du Capex ou de l’Opex). Les entreprises disposant d'une large gamme d'activités n'auront pas à évaluer la conformité de leurs activités économiques non matérielles aux critères techniques de sélection, à condition que ces activités représentent moins de 10 % de leur activité globale.
  • L’exclusion des entreprises non soumises au reporting taxonomie du scope des acteurs financiers pour éviter qu’elles soient indirectement soumises à ces exigences taxonomiques. Ainsi les entreprises ayant moins de 1000 employés ne seront pas prises en compte dans le dénominateur des ICP que doivent calculer les institutions financières. 
  • Une publication reportée à 2027 des ICP Trading Book et Fees and Commissions pour certaines institutions financières
  • Des templates simplifiés, générant une réduction des points de données à publiée de 66% pour les acteurs non financiers et de 89% pour les acteurs financiers.

Cette consultation fait suite à la publication de recommandations publiées le 5 février 2025 par la Plateforme Européenne pour simplifier la taxonomie, incluant notamment une révision du critère DNSH, du GAR et une réduction des exigences de reporting. 

La Commission Européenne poursuit sa révision de la taxonomie pour intégrer des modifications plus spécifiques sur les critères techniques de sélection et sur le critère DNSH. Il est ainsi probable qu’elle intègre les recommandations de la Plateforme dans ses publications à venir. 

Et au Royaume-Uni ?

Si les premières taxonomies mises en place il y a 5 ans sont ainsi encore évolutives, au Royaume-Uni, un éventuel projet de développement d'une Taxonomie Verte est en cours. 

Effectivement, le gouvernement britannique envisage cet outil pour orienter les investissements vers des activités durables et réduire le greenwashing. Une consultation de 12 semaines vient ainsi de prendre fin, cherchant à recueillir des avis de l’écosystème sur la manière dont une Taxonomie pourrait compléter les politiques existantes en matière de finance durable et aider les investisseurs à prendre des décisions éclairées.

WeeFin, ayant pris part aux conversations sur la Taxonomie depuis des années, a souhaité répondre à ce débat, la plupart de nos clients étant assujettis à la Taxonomie Européenne. Notre position à l’interface des acteurs financiers et des fournisseurs de données, nous aide à comprendre les enjeux d’une introduction d'une Taxonomie britannique en évitant les écueils d’Outre-manche.

Pour en savoir plus sur nos réponses à la consultation anglaise, rendez-vous ici!

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